En chemin... Marcher en confinement

J10- "Jardins secrets"

"Jardins secrets" : Paroles, voix et mixage Anne-Marie André
Musiques : Blackmore's Night, Where are we going from here. Sixes & Sevens, Ash Dargan.
Madredeus, A Andonrinha a Primavera. Renaud Garcia-Fons, La Strada



Prisonnière du carrousel de mes pensées,
Je m’offre une évasion forestière.
Le bois est fou de lumière,
A couper le souffle

Je suis bien là,
Et pourtant je n’y suis plus.
La forêt m’a saisie,
La cime des arbres
S’échappe dans un ciel éclatant,
Le vent rieur
Danse le feuillage printanier.

Sous mes pas,
Fissuré par la sécheresse
Puis caressé par une petite pluie,
Le sentier s’est fait tapis.

Me vient alors cette autre voix,
Au cœur de moi,
Je retiens mon souffle…
Et reçois la cadence des mots.

Ils défilent en ordre désordonné.
Je les arrime au port de ma raison
Et les observe
Il s’en détache deux
Qui déclenchent une pluie d’évocations :
« Jardins secrets ».

Rebelle, je les transforme
En « Bois secret ».
J’entrouvre cette brèche et m’échappe
Dans ce bois sauvage,
Frissonnant sous la caresse
Du soleil troué d’ombres,
Du vent immobile.

Ce bois sauvage
Que j’ai traversé en solitaire
L’automne dernier.
Sur le chemin de Compostelle

Demeure cachée
De tout un monde invisible,
Ce lieu réclame la poésie,
Invite au silence,
A disparaître.
Je deviens terre, terreau, herbe folle,
Feuille morte, écorce.

Prise d’ivresse, je me pose
Au cœur de ce petit bois,
Bien trop chaotique et sauvage
Pour être jardin.
Dense, désert, oublié, puissant,
Lumineux, sombre, symphonique.

Comme une peinture
Il résonne de mélodies mystérieuses
Dont je perçois le murmure
En mes profondeurs.

Que disent nos bois secrets
Sous l’écorce rugueuse des années.
Que disent nos sentiers
Peuplés de petits cailloux amassés
Dans nos menottes enfantines.
Que disent nos corps en funambules
Sur les fils tendus
De nos adolescences,
De nos vies en quêtes de sens.

Bois secrets dépositaires
De nos amitiés rêvées,
De nos projets fous et ambitieux,
De nos proses
Sous la plume de nos amours interdites.

Bois secrets chiffonnés
Dans des papiers camouflés
Au plus profond de nos souvenirs.

Bois secrets de nos vieux jours
Aux regards absents,
Miroirs de nostalgies radieuses,
De regrets,
De voyages rêvés,
De professions sacrifiées.

Il suffit parfois d’un mot, d’une odeur,
D’une saveur
Pour que, des fissures du passé,
Nous reviennent quelques bribes
De nos histoires illisibles.

Sans port d’attache,
Elles traversent nos vies,
Tapies dans le souffle de nos voix
Qui en garde la trace au fil des ans.

J’ai le vertige !
Devant l’immensité du mystère de l’autre.
Et de mon propre mystère.
Comme l’ombre imprenable
Sous le soleil de midi,
Comme l’éclair
Insaisissable en nos obscurités.

J’ai le vertige !
Tant l’énigme de nos êtres est profonde.

Combien de vies scellées,
D’élans cassés,
De territoires enfermés,
De terres infertilisées
Sous la signature du jugement !

En lieu et place du point final
Laissons les points en suspension,
Et nourrissons
De gourmandises savoureuses
Ces parts silencieuses
De nos êtres qui cherchent la lumière
L’acceptation et le respect.

Seul l’espace de la bienveillance
Sera en mesure de défaire
Les nœuds de ces ultimes définitions.

Retournons, avant la soif,
A la source qui désaltère
Pour retrouver la fragile force de vie
Qui coule en nous.

Nous sommes qui nous sommes.
Insaisissable est le remous de nos vagues.

Indéfinissable est notre histoire.
Aucun moule pour la contenir.
Seuls, face aux rivages inconnus
De nos lendemains,
Vacillants, nous tenons la barre de nos vies.

Je continue ma route
Et dépose un regard tendre
A toutes mes vies qui tiennent
Au creux de mes mains.

Le sentier me rejoint.
Enchantée par le bois secret de là bas,
Je me soumets aux pas du petit bois d’ici…

Déjà j’entrevois le prochain voyage.

Anne-Marie André


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